12/09/2014
Le Capitole
Quittons à présent la place Garibaldi et revenons au sources, le vieux Nice, au 4 rue de la tour. C'est là que se tient l'une des dernières salles historiques de la ville, Le Capitole, dont le nom orne toujours la façade. Si l'on regarde le bar juste à côté qui fait angle avec le boulevard Jean Jaurès, on remarque l'inscription « café Tivoli bar ». En effet, Le Capitole n'a pas toujours porté ce nom. Il est à l'origine le Tivoly, avec un Y, et c'est un cinéma depuis 1919. Sur une très vieille carte postale, on voit au dessus du bar de grands panneaux publicitaires. C'est en 1931 qu'il prend son nom de Capitole. Jean Renoir viendra y présenter sa Marseillaise en 1938.
Si cette salle a survécu comme bâtiment, c'est qu'elle fait partie d'un ensemble chargé d'histoire : l'îlot Saint-François, regroupant la tour du même nom, un ancien clocher, les vestiges classés d'une église-couvent des Cordeliers datant du XIIe siècle, avec encore voûtes romanes, colonnes et chœur, l'immeuble de l'Aigle d'Or et le Palais de la Bourse du Travail. Pendant près de vingt ans, il y eu, et il y a encore, de nombreux projets de réhabilitation. La Cinémathèque avait même pensé s'y installer un temps.
Photographie Lise Roman
Ce cinéma occupe une place à part pour ma génération. A partir des années 70, il sera le dernier cinéma de quartier populaire. Si populaire au plein sens du terme qu'on le surnommera avec beaucoup de finesse : "le cinéma des arabes". En 1970, c'est un cinéma comme les autres qui projette le dernier Verneuil : Le clan des siciliens avec Alain Delon, Lino Ventura et Jean Gabin. Puis en 1971 sous l'impulsion d'André Bemon il se scinde en deux salles, le Capitole et le Capri ; une manière de multisalles avant tout le monde qui passera au double programme en 1973.
Le Capri, ce sera deux films pour même pas le prix d'un. Du cinoche d'aventure, des westerns spaghetti, Trinita, Django, des sous James Bond, des séries B improbables, des films catastrophe ringards.
Le Capitole va, lui, se consacrer jusqu'à sa reconversion des années 80, au cinéma d'art martial de Hong Kong. C'est à dire, à l'époque, à des chefs d'œuvre impérissables tels que Au karaté, t'as qu'à réattaquer. Et parfois des chefs-d’œuvre authentiques bien cachés, les films de King Hu ou de Chang Cheh. La fermeture de ces salles dans l'indifférence au début des années quatre-vingt, c'est une perte irréparable pour l'amateur de séries B et Z.
Il faut se souvenir de cette entrée sombre, un peu inquiétante, du couloir menant à la caisse et des affiches colorées qui ornaient les deux côtés.
Photographie Vincent Jourdan
A la fin des années quatre vingt, la salle tente une nouvelle carrière en accueillant les concerts et les soirées organisées par l'association Image Publique. Puis ce sera brièvement un thé-dansant avant le rachat par la ville à la fin des années quatre-vingt dix. Salle de spectacle, dancing, cinéma, nul ne sait encore comment renaîtra le Capitole. Mais à l'intérieur, comme l'épave d'un navire ancien, il reste encore les balcons, les décors décrépis, et du matériel attendant le déblaiement. De nombreuses choses dont j'ai pu fixer la trace lors d'une visite en 2004.
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